Jean-Yves Le Meur

Jean-Yves Le Meur

Last updated on 21 November 2018

Jen-Yves Le Meur is Digital Memory Project Leader at CERN in Geneva, Switzerland


Le projet de la Mémoire Numérique du CERN, commencé en 2016, se devait de s’attaquer en priorité à la sauvegarde des collections sonores, photographiques et audiovisuelles nées avec l’institut en 1954, et déjà menacées par l’obsolescence de ses supports. En charge de ce projet, je me suis lancé tête baissé dans les inventaires, classifications, regroupements, analyses des pratiques, spécifications, appels d’offre et recherches de fond sans me douter un instant des magnifiques surprises qui orneraient ce chemin.

Ce sont ces surprises que je veux partager ici, à l’occasion de cette journée mondiale de la préservation. Elles sont quelques cerises sur la gateau de notre héritage. Cerises qui donneront peut-être une motivation supplémentatire à tous les acteurs engagés dans des projets de ce type.

Le vertige des vestiges

De nombreux projets qui ressuscitent les vestiges de notre passé donnent accès à des trésors enfouis. Au delà de la sauvegarde de la valeur historique des données traitées, l’activité de la préservation digitale permet d’offrir un visage nouveau, moderne et gratifiant à des archives dormantes. “Faire du neuf avec du vieux” pourrait être la maxime des nouveaux archivistes. En appliquant aux contenus des siècles derniers les moyens techniques les plus évolués à ce jour, nous ouvrons les portes à une nouvelle représentation de notre histoire.

Parmi les 6’000 heures d’enregistrements audio confidentiels des réunions officielles des comités du CERN, effectués tout au long de l’histoire de l’organisation pour le service de traduction, ressortent ces voix légendaires qui ont marqués l’histoire de la Science. Lors du contrôle qualité des premiers fichiers issus des bandes et cassettes magnétiques, j’entreprends de passer rapidement d’un fichier à l’autre, en écoutant 10 secondes au début, 10 secondes à la fin et quelques autres moments aléatoires. Impossible. Les voix sont fascinantes et je tombe par hasard sur les discussions qui amèneront le CERN à collaborer ouvertement avec des instituts de l’Union Soviétique - alors que la guerre froide battait son plein! Ainsi la préservation digitale nous permet désormais de disséquer les mécanismes qui ont mené à cette collaboration remarquable, si souvent citée en exemple pour mettre en exergue l’esprit scientifique.

Ne pouvant me permettre de passer quelques milliers d’heure à écouter mes illustres collègues, je confie une partie de l’assurance qualité de la numérisation des bandes audiovisuelles à de jeunes stagiaires estivaux. Quelle est ma surprise de les voir eux aussi complêtement capivés par cette tache à priori ingrate ! Ce sont non seulement les images de célébrités, comme le Dali Lama, Maurice Béjard, Kofi Annan, Henri Laborit et beaucoup d’autres qui retiennent leur attention, mais aussi ces prise de vue d’incroyables prouesses technologiques ou ces conférences passionantes d’éminences scientifiques intervenant au CERN.

Ces jeunes stagiaires d’à peine 20 ans sont les premiers à visionner ces trésors vidéos que personne ne pouvait plus regarder depuis longtemps. Il n’y a aucun doute que ces images font rêver !

Mais un autre contenu d’un type très différent est venu à son tour agémenter le parcours mouvementé de la numérisation.

Le temps des cerises

Le laboratoire photographique du CERN possède une collection de presque 450’000 images, composée de négatifs, diapositifs et de grands et moyens formats. Avant de lancer un appel d’offre pour leur numérisation, j’ai voulu m’assurer que d’autres collections n’étaient pas stockées sur d’autres sites de l’organisation. Sachant que l’évolution des départements sur plusieurs décennies pouvait avoir donné naissance à des dépots non archivés, j’ai publié dans le bulletin interne du CERN un appel à contenu.

Parmi les réponses, je reçus celle-ci:

“I am responsible for a storage room ... When that room was given to me there were many 35 mm colour slides (probably from LEP construction) stored in a corner. I did not touch them and after 4 years they are still there. If you are interested you can have them. “

Je découvrai alors un très beau meuble, conçu spécialement pour le stockage des diapositives, avec des tiroirs formattés et une table lumineuse. Un ensemble des tiroirs étaient sorti de leurs ornières et superposé sur la table. Les rangées de diapos étaient dans un état épouvantable, avec de la poussière noire collée sur les cadres et sur le plastique des images. Des intercalaires indiquaient les dates, entre avril 1985 et septembre 1987, suggérant que ces diapositives étaient essentiellement des copies d’originaux conservées par le laboratoire Photo.

Après les avoir rapatriées dans le but de les nettoyer, les traiter et les numériser, un collègue physicien passionné de photographie me contacte pour les regarder ensemble. Matteo Volpi a joué dans sa jeunesse à dégrader volontairement des diapositives et à l’aide de ses lecteurs de dispositives, nous observons ensemble des images incroyables. Le temps et la nature ont transformé de manière irréversible les photos d’origine. Ces images illustrant des expériences de physique ont été altérées par l’action chimique de micro-organismes. Le résultat est bluffant: couleurs chatoyantes cotoient noir et blanc abstraits. Une cohérence organique donne l’impression que la main d’un artiste a créé des oeuvres suivant un style personnel évoluant au cours des années. Au milieu de cette centaine d’oeuvres, un certain nombre d’images conservent des éléments de la photo d’orgine: un morceau de détecteur par ci, des personnages dans le tunnel par là, des traces de particules simulées, des échaffaudages, etc.  Nous sommes fascinés par cette collision - voire cette collusion - entre la physique, la chimie, la biologie et l’art.

 Le Meur 1

Cerise et moisissure

En matière de préservation, j’ai appris que les ratés sont parfois les plus populaires car ils montrent combien l’action de préserver est cruciale.  C’est donc sans aucune hésitation que je lance avec Matteo Volpi la collection VolMeur - du nom de ceux qui l’ont révélée - collection d’oeuvres d’art copyrighté CERN et dont l’auteure est mère Nature. Elle sera comme une piqure de rappel, un aiguillon artistique pour souligner que notre héritage n’est jamais figé et que le patrimoine analogique comme numérique se doit d’être entretenue avec de bonnes pratiques. A ce jour, trente sept images ont été imprimées. Nous avons entrepris de reproduire ces images en une série limitée de trente exemplaires, uniquement avec impression sur aluminium selon la technique de Subligraphie™. Cette sublimation des encres dans une plaque hyper résistante est considérée comme une des techniques d’impression la plus durable, garantie deux cents ans, et parfaitement adéquate pour donner une nouvelle chance à nos malheureuseuses diapositives!

Après avoir partagé ce trésor en interne au CERN, nous l’exposons pour la première fois publiquement du 7 Novembre au 7 Décembre 2018 à la galerie Images de Marque dans le coeur de la vieille ville de Genève. La vente des tirages reviendra intégralement au projet de la Mémoire Numérique du CERN afin de rendre ce projet auto-suffisant et de permettre de nouvelles actions pour promouvoir les activités de préservation.

C’est donc entouré de ces chefs d’oeuvre aléatoires de moisissure issus d’une préservation déficiente que nous vous invitons à célèbrer la journée internationale de la préservation digitale, le 29 Novembre prochain.


The CERN’s Digital Memory project, which began in 2016, had to give priority to safeguarding the sound, photographic and audiovisual collections born with the institute in 1954, and already threatened by the obsolescence of its media. In charge of this project, I threw myself head down into the inventories, classifications, groupings, analyses of practices, specifications, calls for tenders and background research without suspecting for a moment the magnificent surprises that would decorate this path.

These are some of the surprises I want to share here on this World Digital Preservation Day. They are a few cherries on the cake of our heritage. Cherries that may provide additional motivation to all actors involved in projects of this type.

The vertigo of the remains

Many projects that resurrect the remains of our past provide access to buried treasures. Beyond safeguarding the historical value of the data processed, the activity of digital preservation makes it possible to offer a new, modern and rewarding face to dormant archives. "Making something new with something old" could be the maxim of the new archivists. By applying the most advanced technical means to the contents of the past centuries, we are opening the doors to a new understanding of our history.

Among the 6,000 hours of restricted audio recordings of the official meetings of CERN's committees, made throughout the organization's history for the translation service, are the legendary voices that have marked the history of science. When checking out the quality of some files digitized from magnetic tapes and cassettes, I was expecting to move quickly from one file to another, listening to 10 seconds at the beginning, 10 seconds at the end and a few other random moments. Impossible. The voices are fascinating and I happen to come across discussions that will lead CERN to collaborate openly with institutes in the Soviet Union - during the climax of the Cold War! Thus, digital preservation now enables to dissect the mechanisms that led to this remarkable collaboration, so often cited as an example to highlight the scientific spirit.

Not being able to afford to spend a few thousand hours listening to my illustrious colleagues, I entrust part of the quality assurance of the digitization of audiovisual tapes to young summer interns. What a surprise for me to see them also completely captivated by this seemingly ungrateful task! Not only are images of celebrities, like Dalai Lama, Maurice Béjard, Kofi Annan, Henri Laborit and many more, but also images of incredible technological achievements or fascinating conferences, from eminent scientists working at CERN.

These young interns, barely 20 years old, are the first to watch these video treasures that no one could watch in a long time. There is no doubt that these moving images will make people dream!

However another very different unexpected content has also emerged from the turbulent process of digitization.

Cherry and mould

CERN's photographic laboratory has a collection of almost 450,000 images, including negatives, slides and large and medium formats. Before launching a call for tenders for their digitization, I wanted to make sure that other collections were not stored on other sites of the organization. Knowing that the evolution of departments over several decades may have given rise to unarchived repositories, I published a call for content in CERN's internal newsletter.

Among the answers, I received this one:

"I am responsible for a storage room ... When that room was given to me there were many 35 mm colour slides (probably from LEP construction) stored in a corner. I did not touch them and after 4 years they are still there. If you are interested you can have them. “

I then discovered a very beautiful piece of furniture, specially designed for storing slides, with formatted drawers and a light table. A set of drawers had come out of their ruts and layered on the table. The rows of slides were in a terrible state, with black dust stuck to the frames and plastic of the images. Interleaves indicated the dates, between April 1985 and September 1987, suggesting that these slides were essentially copies of originals well-preserved by the Photo laboratory.

After having repatriated them in order to clean, process and possibly digitize them, a colleague physicist passionate about photography contacts me to look at them together. Matteo Volpi played in his youth to voluntarily degrade slides and with the help of his device readers, we observe incredible images together. Time and nature have irreversibly transformed the original photos. These images illustrating physics experiments have been altered by the chemical action of microorganisms. The result is stunning: shimmering colours as well as abstract black and white. Organic coherence gives the impression that an artist's hand has created works in a personal style that has evolved over the years. In the middle of this hundred works, a certain number of images preserve elements of the original photo: a piece of detector here, people in the tunnel there, traces of simulated particles, scaffolding, etc.  This collision - should I say this collusion - between physics, chemistry, biology and art appears fascinating.

Le Meur 1

The time of cherries

When it comes to preservation, I have learned that deficiencies are sometimes the most popular because they show how crucial it is to preserve.  It is therefore without any hesitation that I launched with Matteo Volpi the VolMeur collection - named after those who revealed it - a collection of CERN copyrighted works of art, the author of which is Mother Nature. It will be like a reminder shot, as an artistic stimulus, to underline that our heritage is never frozen and that both analogue and digital heritage must be maintained with good practices. To date, thirty-seven images have been printed. We have undertaken to reproduce these images in a limited edition of thirty copies, only with printing on aluminium using the Subligraphie™ technique. This sublimation of the inks in a hyper resistant plate is considered as one of the most durable printing techniques, guaranteed two hundred years, and perfectly adequate to give a new chance to our unfortunate slides!

After sharing this treasure internally at CERN, we are exhibiting it for the first time publicly from 7 November to 7 December 2018 at the Images de Marque gallery in the heart of the old city of Geneva. The sale of the prints will go entirely to the CERN Digital Memory project in order to make the collection maintenance self-sufficient and to allow new actions to promote preservation activities.

It is therefore surrounded by these random masterpieces of mould resulting from a lack of preservation that I invite you to celebrate the World Digital Preservation Day on 29 November.


Scroll to top